mercredi 21 décembre 2016

Haïr Noël (ou le conformisme du non-conformiste)

Chaque année, je croise quelqu’un qui déteste Noël et qui cherche mon approbation dans sa discussion :

« Noël! Franchement! Hein? Cette surconsommation! Hein? Recevoir la famille… Pfff! Hein? Pas d’allure! Hein? »

Je suis toujours mal à l’aise quand quelqu’un me parle en me mettant son opinion dans la bouche sans me laisser parler. Comme si le fait de dire « Hein? » à la fin de ce qui n’est même pas une phrase rassurait mon interlocuteur.

Le problème avec les gens qui détestent Noël, c’est qu’ils ne réussissent pas à avoir mon approbation… parce que j’aime ça, Noël! Mais d’un point de vue objectif, ils ont quand même probablement raison : je suis peut-être trop nostalgique, trop conformiste, trop capitaliste… Trop gna-gna avec mon cœur d’enfant… Je nourris peut-être trop mon propre plaisir à faire des cadeaux aux autres… Je trouve néanmoins que tout ça est moins lourd que d’être avare comme un rat. Comme Monsieur Scrooge.

Le principal argument des gens qui n’aiment pas Noël, c’est que c’est inutile de dépenser autant d’argent pour faire des cadeaux. Je dirais ici – par pure observation trop peu scientifique – que ces gens se divisent en trois catégories : les menteurs, les puristes et les casse-culs.
Les menteurs de Noël sont ceux qui trouvent ridicule le fait de se donner plusieurs cadeaux dans le temps des fêtes. Ceux-là optent pour une option beaucoup moins capitaliste, à leur avis : ils ne s’offrent qu’un seul cadeau. Et parfois, un seul cadeau pour la famille complète. Mais le cadeau qu’ils s’offrent dépasse largement la valeur des petits cadeaux qu’ils dénoncent : ils s’offrent un voyage, un nouvel ordinateur, une voiture, un instrument de musique, etc. Il m’apparaît de très mauvaise foi de juger la nature capitaliste de ceux qui s’offrent des livres, des films et des jouets alors que tes dépenses pour Noël sont plus élevées!

Les puristes de Noël sont ceux qui trouvent ridicule le fait de dépenser pour faire un cadeau. Ils prônent plutôt des cadeaux « à coût nul » : donner un livre usagé, donner un coupon valide pour du temps d’aide pour enlever les pneus d’hiver, un dessin, une carte faite à la main, du temps pour aller bouquiner, du temps pour cuisiner, etc. L’idée est bien noble, mais tout cela est, pour la personne qui offre ce cadeau, bien plus déculpabilisant que noble… Et tout ça rime souvent avec cadeau forcé… que le cadeau soit un bien ou un service, lorsqu’il est forcé, il est tout aussi désagréable à recevoir.
Les casse-culs de Noël sont ceux qui jugeront pratiquement toutes les activités que vous voudrez entreprendre dans le temps des fêtes. Un échange de cadeau? Trop conformiste. Une marche en plein air en famille? Ringard. Un souper de Noël? Trop 1970, est-ce qu’on peut évoluer un peu?! Ok, d’abord, cette année, on ne fête pas Noël. Trop non-conformiste.  


Le temps des fêtes, c’est un temps d’arrêt pour voir ceux qu’on aime… et peu importe votre manière de le prendre, je vous souhaite un Joyeux Noël! 

dimanche 18 décembre 2016

Des vidéos de p’tits chats (ou l’ineptie volontaire)

« Monsieur? On peut-tu r’garder des vidéos de p’tits chats à’ place? »

Je pense que c’est cette phrase qui m’a le plus bouleversé.

Ça m’a mis à l’envers.

Attendez… Je vous explique le contexte. Dû à un conflit d’horaire, je me suis retrouvé à donner mon cours d’informatique à l’extérieur de mon local habituel. Ça me faisait plaisir d’aider une collègue qui avait besoin du laboratoire informatique et j’ai décidé de présenter un film à mes élèves, chose que je fais très rarement… et comme nous approchons de Noël, j’étais persuadé que ça leur ferait plaisir...

Ça fait donc près d’un mois que je fouille pour des films en lien avec l’informatique. Je me suis arrêté sur « Steve Jobs » et « Le réseau social » (Mark Zuckerberg). Ces deux films m’intéressaient, mais je ne les avais pas encore vus. Je les ai commandés à mes frais et je les ai visionnés avant de les montrer aux élèves. Les deux films m’ont un peu déçu à cause de la personnalité horripilante des deux personnages. Je me disais cependant que les comportements nauséabonds des deux hommes d’affaires auraient apporté de bonnes discussions après le visionnement du film et surtout auraient permis de poser la question, un peu plus philosophique : « Est-il nécessaire d’être détestable pour être un bon entrepreneur? ». J’ai donc apporté les deux films en classe et on a passé au vote.

- Qui veut regarder le film « Le réseau social »?

Silence radio; boule de foin traversant la savane; chant du criquet. J’aperçois au loin une main se lever dans un grand champ d’indifférence, mais je suis un peu content puisque je préférais l’autre film. J’en conclus naïvement que c’est le film de Steve Jobs qui gagne… Je me prépare à le mettre dans le DVD et un élève regarde son ami, les bras dans les airs, outré comme une mégère et critiquant ma façon de passer au vote : « Ah c’est ça! Le film de Facebook a un vote, l’autre n’a pas de vote, alors c’est Facebook qui gagne! C’est ça? C’est ça? »

- Bon… pour faire plaisir au Colonel Rabat-Joie, on va passer au vote. Qui veut regarder le film sur « Steve Jobs »?

Trois mains se lèvent timidement.

- Monsieur, on pourrait juste aller sur Youtube aussi…

- …

- Monsieur, on peut-tu écouter de la musique?

- …

- Monsieur, on va juste parler… ça va être chill.

- …

- Ouain, monsieur? On peut-tu?

- Wow là… NON!

Mon option était binaire. Ou bien on regarde le film A, ou bien on regarde le film B. Rien d’autre. C’est comme si je vous invitais à souper et que je vous proposais deux plats. Ce n’est pas si mal, il me semble… Et que vos invités, à la vue du repas que vous leur serviez, vous proposaient, dégoûtés, de commander de la pizza! Vos intentions étaient bonnes, vous saviez que votre repas n’était pas digne de Bocuse, mais il valait plus que toutes les fritures qu’on vous sert au Buffet des continents.

- Monsieur? On peut-tu r’garder des vidéos de p’tits chats à’ place?

Je pense que c’est cette phrase qui m’a le plus bouleversé. Ça m’a mis à l’envers. Celle-là faisait encore plus mal. Comme si mes invités m’avaient proposé de manger des vidanges plutôt que ce que j’avais mis du temps à leur préparer.

Obnubilés par eux-mêmes, ils confondent leur personne et les autres…

Je me sens toujours aussi impuissant face à cette ineptie volontaire… Face à l’absence de savoir-vivre et face à l’absence de savoir le savoir-vivre. La réflexion m’a poussé à comprendre que cette question banale n’avait pas été fielleuse, mais à ce point dépourvu de raisonnement qu’elle s’apparentait à un cri primal. Avec cette question bête, j’ai compris que les plus narcissiques sont incapables d’évaluer la portée de leurs propres gestes sur les autres.

Ils sont si aveuglés par leur petit confort éphémère qu’ils vont jusqu’à se délaisser eux-mêmes.