dimanche 8 janvier 2017

Apprivoiser la techno en classe – mes observations

On pouvait lire ce samedi cet article sur l’utilisation des technologies en classe dans Le Devoir : http://www.ledevoir.com/societe/education/488630/apprivoiser-la-techno-dans-la-classe. Cette année, j’ai la chance d’enseigner un cours d’informatique monté sur mesure pour mes élèves de cinquième secondaire et la lecture de cette rencontre avec M. Ron Canuel, président de l’Association canadienne d’éducation, m’a donné envie de présenter mes observations (qui n’ont rien de scientifique et se basent sur un trop petit échantillon pour être prises comme étant une vérité) en ce qui a trait aux compétences de mes élèves avec les technologies.

Utilisation en classe depuis le primaire

Je demande souvent à mes élèves comment ils ont utilisé les technologies dans le passé. Il faut dire que la majorité du temps, c’est l’enseignant qui utilise les technologies (et en ce qui concerne les cours de mathématique que je donne, je peux confirmer cette affirmation). Les rares élèves qui ont utilisé une tablette au primaire (notons ici que mes élèves étaient au primaire entre 2006 et 2012) ne l’utilisaient que pour des tâches simples : par exemple, en mathématique, ils ont utilisé la fonction « calculatrice ». En français, ils ont utilisé la tablette pour faire de l’analyse de texte : en utilisant des couleurs différentes, ils peuvent souligner les types de mots (les verbes, les déterminants, les adverbes, etc.) à titre d’exemple. http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/807209/tablette-ecole-ecole-primaire-arpege-ipad
À peu près tous les élèves qui ont utilisé la tablette en classe l’ont toujours fait à l’aide une application très spécifique à la fois. Comme si chaque apprentissage nécessitait une application différente. À trop morceler les apprentissages, on n’enseigne à ces élèves aucune nouvelle connaissance : d’enseigner les rudiments de la phrase avec l’application « Phrase plus! »  n’ajoute pas de nouvel apprentissage technologique par rapport à enseigner les rudiments de la phrase avec un papier et un crayon. En fait, les connaissances acquises lors de l’utilisation d’une tablette ou  d’un ordinateur sont très rarement technologiques : ils ont rarement appris, à titre d’exemple, à personnaliser leur environnement de travail afin qu’il soit plus efficace pour eux, à utiliser les raccourcis clavier de telle ou telle application, et à mon avis le plus important : à ordonner des fichiers et des dossiers!
Notons d’ailleurs que ces apprentissages se situent uniquement dans les premiers niveaux de la taxonomie de Bloom https://fr.wikipedia.org/wiki/Taxonomie_de_Bloom. Les apprentissages sont donc souvent des apprentissages de surface (que je trouve, malgré le fait qu’on pourrait faire davantage, essentiels).

Le Mozart du VHS

Les apprentissages faits avec la technologie au primaire faussent à mon avis l’interprétation qu’ont les élèves de leurs propres connaissances. On a trop souvent félicité les élèves lorsqu’ils réussissaient à faire quelque chose de nouveau avec un appareil technologique. Les parents s’étonnent lorsque leur enfant leur montre quelque chose et en concluent immédiatement que ce dernier doit être un surdoué des technologies. Mes parents ont fait de même avec moi (et d’ailleurs ils se plaisent à raconter cette anecdote encore et encore à toute la famille, mais bon… on s’éloigne un peu) : quand j’étais en maternelle, j’ai réussi à programmer le lecteur VHS afin qu’il enregistre mon émission préférée. Pour mes parents, c’était grandiose, mais avouons que j’étais loin d’être le Mozart du VHS…
On gonfle peut-être trop (ou mal?) la confiance de nos élèves avec la technologie et cela les porte à croire qu’ils connaissent tout… et surtout qu’ils connaîtront tout. Remarquons aussi que les technologies sont toujours changeantes et que les apprentissages que l’on fait doivent être en constante évolution : dans ce domaine, on est loin de l’apprentissage du théorème de Pythagore : ce dernier se fera encore de la même façon dans 20 ans! Par contre, l’utilisation d’un ordinateur aura forcément changé. Si on n’enseigne pas à nos élèves à apprendre à apprendre par eux-mêmes, je crois qu’on crée un glissement cognitif.

Aller plus loin – les défis de l’avenir en enseignement des technologies

À l’avenir, je crois que les principales pistes à observer dans le domaine de l’enseignement à l’aide des technologies de l’information et des communications seront celles du développement d’un bon jugement critique. Celui qui permettra aux élèves d’évaluer la pertinence d’une source provenant du web et celui qui leur permettra de comprendre la nature du plagiat et de ses conséquences, à titre d’exemple…

jeudi 5 janvier 2017

Deux solitudes

Les deux solitudes sont peut-être différentes du roman de Hugh MacLennan (1945) – que je dois ajouter à mes lectures de 2017 – mais à mon avis les résultats de ce sondage démontrent qu’elles sont concrètes.

Source : https://goo.gl/PfWSn0

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mercredi 4 janvier 2017

Humour, polarisation et éducation

Au Québec, on passera les prochains jours à parler d’humour. Après les échanges de vœux usuels de bonne année, on se posera la question : Alors? Comment as-tu trouvé le Bye Bye? Puis Infoman? Et on se rendra compte que nos collègues, que nos amis, que les membres de notre famille n’ont pas trouvé un élément drôle que nous, de notre côté, nous avons trouvé hilarant. D’autres seront littéralement offusqués par les propos tenus lors d’une blague. C’est vrai avec le Bye Bye, mais on a aussi eu ce genre de discussions suivant les attentats à Charlie Hebdo, pendant le procès de Mike Ward (qui n’est pas encore terminé en date d’aujourd’hui) et quand la compagnie d’assurance du gala des Olivier avait censuré un gag.

J’ai remarqué que pour l’humour en général, mes interlocuteurs ont rarement des opinions nuancées. Ils ont aimé ou ils ont détesté… Ils ont rarement pris le temps de pondérer leurs positions.

Dans un premier temps, mes observations m’ont porté à croire que d’ordre général, les gens détestent un gag lorsque ce dernier soulève une émotion, ou, dans un deuxième temps, s’il soulève une incompréhension. Comme le dit Robert Aird (https://goo.gl/E8H8lr), historien de l’humour, « vous trouverez méchant un certain gag contre une chanteuse que vous aimez qui fera rire ceux qui l’aiment moins ou la détestent. Ou vous êtes simplement une personne qui ne tolère pas que l’on tourne quelqu’un en dérision, étant très sensible aux autres. »

Selon cette idée, Aird propose donc qu’une personne peut être fâchée parce qu’une de ses émotions (l’émotion rattachée ici à une chanteuse, par exemple) est risible. C’est ici, selon moi, que toute la polarisation au regard de l’humour se distingue. J’irais jusqu’à dire que de polariser l’humour est très égoïste. Aird évoque aussi une forme d’empathie : une personne pourrait aussi trouver un gag moins drôle si elle est très sensible aux autres. C’est vrai que ces personnes existent, mais je ne crois pas qu’elles représentent une majorité. Les personnes qui évoquent une forme d’empathie vont généralement nuancer leurs propos et ainsi, moins polariser toute forme d’opinion…

Toute polarisation au regard de l’humour témoigne donc, à mon avis, d’une grande fermeture d’esprit… alors, par ricochet, d’égoïsme. Si on a tant de mal à discuter d’humour avec les autres, c’est souvent parce qu’ils ont du mal à concevoir qu’une personne puisse rire d’un objet X qu’eux, inversement, apprécient. Cette incompatibilité (ou ce manque d’empathie) crée automatiquement une rupture dans la discussion et par le fait même une polarisation des opinions.

Dans un deuxième temps, l’incompréhension d’un gag provoque parfois chez certaines personnes une violente fermeture. J’ai souvent vu des personnes réagir âprement, par exemple, à l’humour absurde. L’humour absurde, selon Wikipédia, « est une forme d'humour qui viole délibérément les raisons causales aboutissant à des conclusions, des comportements illogiques dans le but de provoquer le rire ». On peut ainsi dire que c’est normal de ne pas comprendre l’humour absurde puisqu’il bouscule volontairement des concepts préconçus.

Je ne trouverai peut-être pas les bons mots, mais je me demande pourquoi cette incompréhension provoque si souvent une « colère » ou une « fermeture » par rapport à l’humour.

On peut se rappeler, lorsque la chanteuse Klô Pelgag avait gagné le Félix de la révélation de l’année en 2014 au gala de l’Adisq : elle avait tenu des propos absurdes et décousus qui étaient pourtant, à mon avis, très drôles (https://goo.gl/x0TWRw). La réaction de plusieurs personnes sur les réseaux sociaux était pourtant très négative.

Il y a, à mon avis, un parallèle à faire avec les élèves qui sont frustrés de ne pas comprendre une notion. Je ne sais pas à quel moment on enseigne aux enfants que de ne pas comprendre, c’est socialement grave, mais je suis totalement en désaccord avec cet enseignement! Chose certaine, c’est que cette information est bien ancrée dans la tête de mes élèves. De mon côté, j’ai eu la chance d’avoir un enseignant qui m’a enseigné que « la chose la plus importante à savoir, c’est qu’on ne sait pas grand-chose ».

Quand un élève ne comprend pas quelque chose, il éprouve le même sentiment qu’un internaute devant un forum de discussion du Journal de Montréal qui traite du discours de Klô Pelgag au gala de l’Adisq, alors qu’on la proclame « découverte de l’année »…

Même chose.