jeudi 29 juin 2017

Encyclopédie « vivante »

Quel article troublant!

« Selon les autorités du Minnesota, le jeune homme de 22 ans aurait convaincu sa petite amie de lui tirer dessus tandis qu'il serrait une encyclopédie contre son propre torse. Pedro Ruiz lui aurait montré une autre encyclopédie, celle-ci pénétrée mais pas traversée par une balle, prouvant ainsi que le livre le protégerait, affirme la police. »

Le but était donc de créer une vidéo dangereuse virale dans laquelle le pauvre jeune homme survivrait à l’utilisation d’une encyclopédie comme veste pare-balles.

Je croise de plus en plus de sportifs qui croient qu’ils sont de bons sportifs parce qu’ils ont l’équipement dernier cri… Croyez-moi, on a beau avoir le chandail en lycra qui respire le mieux par les aisselles au monde, ce n’est pas ça qui fait de nous un grand sportif.

Je croise de plus en plus d’adeptes de cinéma et de tournage (notamment plusieurs élèves) qui croient qu’ils sont de bons vidéastes parce qu’ils ont l’équipement dernier cri… Je dis souvent à la blague à mes élèves : « Si vous aviez le meilleur crayon au monde, pensez-vous vraiment que vous seriez un bon écrivain? »

Bref… tout ça pour dire que ce n’est pas parce que tu as une grosse encyclopédie que tu es nécessairement intelligent!

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mercredi 28 juin 2017

Schtroumpf alors!

Schtroumpf adolescent en 2016 :

« On a bien schtroumpfé! »

Schtroumpf adolescent en 2017 :

« On a bien schtroumpfe! »

2017 : L'année où les adolescents ont cessé de conjuguer.

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lundi 26 juin 2017

Je n’aime pas mes élèves

Cette lettre, parue dans le Devoir, me fait réfléchir sur la nature de la relation entre un enseignant et ses élèves. Elle me fait réaliser que jamais je n’aurais pu être l’auteur de cette lettre, et ce, même si certains élèves se sont déjà confiés à moi. On enseigne à toutes sortes d’élèves : des studieux, des délinquants, des tristes, des joviaux, des indifférents, des élèves de droite, des élèves de gauche, des homosexuels, des homophobes, des racistes, … bon, vous comprenez l’idée.

Certains enseignants (heureusement, ils existent) développent un lien affectif avec une bonne majorité de leurs élèves, et c’est tant mieux. Beaucoup d’élèves s’accrochent à ce lien et restent à l’école malgré leur dégoût pour la rigueur que demande l’apprentissage. Il y a des élèves qui ont une vie de punching bag… des élèves qui sont propriétaires de secrets pénibles qu’ils ne racontent qu’à une infime partie de leur entourage. Certains de mes élèves m’ont déjà livré des confidences. Je crois honnêtement que j’ai une bonne oreille pour les écouter. Je peux leur donner des conseils, mais généralement, je les réfère à quelqu’un de spécialisé. C’est certain que je suis content lorsqu’on m’informe que l’élève a appris à grandir malgré ses difficultés, mais – peut-être égoïstement, ça s’arrête là.

Suis-je donc cet enseignant froid de quatrième et cinquième secondaire qui ne s’intéresse pas de la vie de ses élèves? Et si oui, est-ce que c’est mal? Je ne crois pas. S’il y a toutes sortes d’élèves, je présume qu’il y a aussi toutes sortes d’enseignants… Je me remets dans le contexte et il me semble que je n’exigeais pas ça de mes enseignants au secondaire.

N’allez pas croire que je juge cette enseignante qui termine sa lettre en disant « Je t’aime » à son élève, au contraire. Je ne fais que me remettre en question sur le phénomène. Mais, je dois avouer que je ressens un malaise lorsque je me mets, en tant qu’enseignant, dans la même situation.

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Mes enseignants ne m’aimaient pas… Je pense… Ils m’appréciaient fort certainement, mais ça s’arrêtait là.

Je n’aime pas mes élèves… je les apprécie tous à un niveau différent et j’ose même dire que dans certains cas, ce niveau est à zéro…

Et si j’écrivais une lettre ouverte à un élève que je n’apprécie pas, j’aurais sans doute le même malaise à lui dire « Je ne t’aime pas ».

dimanche 25 juin 2017

L’examen n’était pas trop difficile…

Mais c’était un examen beaucoup plus difficile que celui de l’an passé.

On en a parlé ici et ici.

C’était un examen difficile. Mais honnêtement, si j’avais été l’auteur de cet examen, j’en serais probablement fier, puisqu’il couvrait toute la matière de l’année. Quand je pense à mes élèves, je comprends pourquoi ils en ont eu peur. Je comprends pourquoi la petite Monique (nom fictif, évidemment) est sortie de son examen en pleurant.

Le principal défaut de cet examen est qu’il ne suivait pas la tendance des dernières années. Et il devient difficile pour les élèves et les enseignants de savoir quelle année correspondra à un examen facile et quelle année correspondra à un examen difficile. Ne devrait-on pas toujours s’attendre à un examen de même difficulté?

Faisons l’historique des examens du cours de mathématique SN4. Le premier examen date de juin 2009. C’était une épreuve d’appoint. Ce genre d’examen permet au Ministère de faire des tests et aux enseignants d’exercer leur jugement critique. Comme le programme était nouveau, les enseignants pouvaient choisir de modifier l’examen (par exemple, d’annuler une question) ou de modifier la valeur finale de l’examen. L’examen évaluait à ce moment trois compétences et comportait 10 questions à développement.

En 2010 et 2011, les examens comportaient 7 questions à développement et évaluaient deux compétences aujourd’hui. C’était encore des épreuves d’appoint. Notons que l’examen de 2011 était à mon avis l’examen le plus difficile conçu par le Ministère de l’Éducation en SN.

C’est en 2012 qu’on a commencé à voir la forme d’examen « conventionnelle » qui rappelait un peu les examens que l’on voyait en mathématique 436 (avant 2009). Si on s’attarde au niveau de difficulté des examens de 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016 on constate que celui-ci diminue avec le temps. Évidemment, je ne vais pas relater ici les détails de chacun des examens, mais je constate qu’avec les années, le nombre d’étapes pour faire un problème a diminué.

Parenthèse. Le ministère évalue la compétence d’un élève à émettre une conjecture, à faire une preuve ou à faire un contre-exemple. Le seul problème est qu’il pose une ou deux questions à ce sujet par année. Le problème est qu’en agençant un des trois types de questions à un des 8 chapitres de l’année, le hasard fait que c’est beaucoup plus facile de faire une preuve géométrique avec des valeurs numériques qui ne varient pas que de faire une conjecture avec deux variables et trois exemples dans le chapitre de la fonction linéaire (ou encore plus complexe, de la fonction quadratique). Fin de la parenthèse.

Entre 2012 et 2016 :

- Le niveau de difficulté des épreuves ministérielles diminuait ;
- La complexité des questions diminuait ;
- Le temps pour faire l’examen diminuait ;
- On agençait moins souvent la (ou les) question de preuve/conjecture/contre-exemple avec des chapitres difficiles.

Et maintenant :

- Le niveau de difficulté a augmenté ;
- L’examen présentait une preuve géométrique et une conjecture algébrique avec la fonction du second degré.

On ne se cachera pas qu’avec un peu de recherche, les étudiants peuvent avoir accès aux examens antérieurs qui se trouvent sur Internet. Ils ne sont pas dupes : ils ont bien vu que l’examen était plus facile en 2016 qu’en 2017.

C’est comme si on faisait faire des examens de conduite à 9 personnes. Que les 3 premières personnes avaient droit à un examen de pratique et que si jamais ça allait mal pour ces trois personnes, on leur dirait qu’on allait voir comment les cours se sont passés... Que les 5 personnes suivantes avaient eu des examens réguliers sur des routes de campagne en ayant un stationnement régulier à faire et que finalement la dernière personne avait eu un examen dans le centre-ville de Montréal avec deux stationnements en parallèle à faire.

Lorsqu’on bâtit un examen truffé de pièges, je crois qu’un glissement se fait dans l’apprentissage : on n’enseigne que les pièges au détriment de la compétence elle-même. Je serai le premier à dire qu’on doit niveler vers le haut en termes d’attentes envers nos élèves, mais on doit le faire graduellement, avec de bons outils.

De plus, je sais qu’on me répétera qu’il pourrait y avoir des fuites, mais ne devrait-on pas fournir précisément les critères d’évaluation aux enseignants avant l’examen? Pour celles et ceux qui sont moins au fait, les enseignants reçoivent les précisions quant aux critères d’évaluation après la passation de ce dernier et cela crée généralement (dans les deux sens) une dichotomie entre la manière dont l’enseignant a évalué durant l’année et la manière exigée par le ministère à la fin de l’année.

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Le meilleur exemple est l’évaluation de la conjecture. Le ministère exigeait toujours que l’élève fasse au moins trois exemples pour appuyer sa conjecture. Cette année, il n’en exigeait que deux. Sauf que la majorité des enseignants ont demandé à leurs élèves de faire trois exemples comme les années antérieures. Cela rendait le problème beaucoup plus long à résoudre.

Je veux que ma critique soit constructive. Voici donc mes recommandations :

- Évaluons les élèves en fournissant aux élèves et aux enseignants le maximum d’informations sur les critères d’évaluation ;
- Gardons toujours le même niveau de difficulté dans les examens finaux ;
- Gardons toujours le même niveau de complexité dans les examens finaux (ainsi le temps de résolution sera plus court) ;
- Évitons de remplir l’examen de pièges futiles qui n’évaluent pas la connaissance, mais qui évalue l’aptitude à bien réagir au piège. Utilisons plutôt cette stratégie afin de discriminer l’élève moyen de l’élève fort…

Cela nous évitera probablement de chercher des solutions une fois les faits accomplis…

vendredi 23 juin 2017

Lettre à Sarah Parent-Roy

Chère Sarah, je veux premièrement te présenter. Tu es un personnage fictif qui m’a été inspiré par plusieurs de mes élèves au courant des dernières années, mais aussi par des histoires racontées par des collègues et des trucs lus dans les journaux. Je ne voudrais pas citer « Les Respectables », parce que ça serait d’un goût douteux, mais « toi, tu es un amalgame ». Tu ne te reconnaîtras pas puisque j’ai pris la peine de modifier les détails des circonstances, mais les événements sont presque arrivés ainsi.

Tes parents sont les Parent-Roy. C’est surtout d’eux que je veux te parler. Si je m’adresse à toi, plutôt que directement à eux, c’est que je pense qu’il est trop tard pour changer leur comportement. Malgré cela, si je peux au moins te faire prendre conscience de la mauvaise conduite qu’ils ont eue envers toi, peut-être que tu ne les répéteras pas le jour où tu auras toi-même des enfants qui iront à l’école. De plus, c’est une manière détournée de m’adresser à eux indirectement : ils sont si obnubilés par ta personne qu’à leurs yeux une lettre qui s’adresse à toi aura plus d’impact qu’une lettre qui s’adresse à eux…

Un jour, tu faisais la fofolle dans la classe puis ça m’énervait. Même si je te demandais d’arrêter, tu continuais. Puis, je t’ai demandé de rester à la fin du cours et comme j’étais dans ton chemin, tu es sortie de la classe en me poussant. Je n’étais pas blessé, bien sûr, mais tout de même à l’envers de voir qu’une élève de cinquième secondaire puisse avoir si peu de respect pour son enseignant. Nous avons rencontré la direction avec tes parents puis le directeur t’a demandé de sortir un temps pour qu’on discute seulement avec eux quelques instants. J’ai eu cette discussion avec ton père (P) et ta mère (M) :

- (P) Vous savez monsieur, ma fille ne vous a pas poussé.
- (A) Oui, je vous assure, elle l’a fait devant tous les élèves de la classe.
- (M) Non, ce que mon mari essaie de vous indiquer, c’est que Sarah nous a expliqué qu’elle ne vous a pas poussé. Nous connaissons très bien Sarah et elle ne nous ment jamais.
- (A) Je ne suis pas certain de vous suivre là. Il n’y a pas de doute sur le fait qu’elle m’a poussé. Ma collègue était dans le corridor et elle a vu Sarah me pousser. Il y avait des témoins.
- (P) Peu importe si ce que vous me dites est vrai, pour Sarah, dans sa tête, elle est convaincue qu’elle ne vous a pas poussée. C’est pourquoi elle ne vous fera pas d’excuses.

Tu vois… Tes parents ont un tel respect pour toi qu’ils sont prêts à endosser tes mensonges à leur place.

Si l’amour rend aveugle, l’amour filial flirte avec la mythomanie.

Ça me rappelle une autre fois où tu n’avais pas fait ton devoir pour la troisième fois en peu de temps. Tu étais plus jeune, en première secondaire et tu as reçu un travail supplémentaire (la copie du règlement de l’école dans l’agenda, par exemple). Le soir, ta mère m’écrit un courriel. En gros, ça va comme suit (je t’épargne les fautes d’orthographe) :

« Bonjour monsieur, Je vous écris pour vous aviser que Sarah ne fera pas sa copie puisque si elle n’a pas fait son dernier devoir, c’est de ma faute. Nous sommes en train de faire des rénovations puis Sarah a eu du mal à dormir. Merci de votre compréhension. »

Ces courriels m’impressionnent chaque fois, car ils débordent de paralogismes. En plus, qui me prouve que c’était bien ta mère qui avait envoyé ce courriel? C’est peut-être moi qui manque d’empathie ou le courriel qui manque d’informations, mais je me suis contenté de répondre à ta mère qu’elle ne devrait pas prendre le blâme à ta place puisque nous avions eu du temps en classe pour faire ce devoir et que tu avais accumulé trois devoirs non faits. Ça arrive de ne pas faire ses devoirs pour une bonne raison : c’est pourquoi je laisse une première et deuxième chance avant de donner des conséquences.

Le lendemain matin, tu n’avais pas fait ta copie et ta mère s’est pointée à l’école, devant mon local pour m’interpeller avant la première période de cours. Elle était arrivée avant moi, papiers à la main.

- (M) Bonjour, je suis la mère de Sarah, on s’est écrit hier.
- (A) Bonjour, enchanté. J’espère que je me suis bien exprimé hier, vous avez compris la situation?
- (M) Oui, tout à fait, je voulais m’excuser d’ailleurs. Vous ne pouvez pas savoir, mais quand une mère voit pleurer sa fille, c’est toujours difficile… et je comprends tout à fait votre position. Sarah en était à son troisième devoir non fait. C’est pourquoi je vous remets sa copie. C’est moi qui l’ai faite.

Tu as bien lu Sarah. Ce matin-là, ta mère a fait ta copie à ta place. Si tes larmes n’étaient pas celles du crocodile, elles étaient celles d’une élève de première secondaire voulant fuir l’adversité. Ça a touché le cœur de ta mère, tu as réussi à la faire sentir coupable de trois devoirs non faits, puis tu l’as sans doute remerciée de t’écouter et te comprendre. Ça t’a consolé et ça a flatté l’ego de ta mère.

De La Fontaine disait dans le Corbeau et le Renard : « Apprenez que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute. »

Tu as vécu une panoplie d’anecdotes comme celle-là : tes parents ont déjà motivé une absence à un cours x pour que tu étudies pour un cours y… Ils ont déjà demandé à tes enseignants de ne pas enseigner de nouvelles notions lorsque tu étais absente… Ils ont demandé à tes enseignants de modifier la date d’un examen parce que vous partiez en voyage…

Une fois, tu as fait du plagiat. Dans un examen, dans ton dictionnaire, tu as soigneusement collé un texte qui provenait de l’Internet. Ton jeune âge et ton manque d’expérience t’ont trahi : préalablement, tu as saisi les mots clés de la question sur Google et tu as pris le premier site qui est sorti. Je m’en suis rendu compte immédiatement après une recherche de deux secondes. Tu as obtenu la note de « 0 » pour ton examen.

Tes parents sont alors débarqués à l’école, avec cape et caleçon par-dessus leurs collants moulants comme de grands superhéros de la justice et de l’équité. Super-parents! Générique!

Chanson thème (sur la mélodie du thème de Pokémon) :

« Je serai le meilleur défenseur,
Pour tes prouesses, mon enfant,
Je te porte toujours près de mon cœur,
Oui, c’est moi! Super-parent!

Tu ne seras jamais victime,
Tu ne seras jamais mécontent,
J’aurai le dessus sur tous les crimes,
Oui, c’est moi! Super-parent! »

Super parent

Fin du générique. D’accord, j’admets que je romance un peu ici. Dans le bureau de ton directeur (D) d’unité, ils ont réclamé de me rencontrer. Ils refusaient que je te donne la note de 0% pour ton examen. Voici la discussion que j’ai eue avec ta mère (en passant, cette fois-là, ton père n’a pas dit un mot) :

- (M) Ce n’est pas juste que Sarah ait 0% pour une toute petite erreur!
- (D) Ce n’est pas la première année de Sarah à l’école. Elle connaissait le règlement depuis longtemps et malgré tout elle a copié son travail. Elle doit subir la même pénalité que les autres.
- (M) – En s’adressant à moi – Mais c’est injuste, car elle n’a pas plagié la totalité de son travail, vous devriez au moins corriger la partie qui n’a pas été plagiée.
- (A) Soyons honnêtes, son examen compte pour 20% de la compétence 1, qui elle compte pour 40% de la première étape qui elle, compte pour 20% de l’année. L’examen représente 1,6% de l’année. La pénalité de Sarah sera simplement symbolique.
- (M) : Je comprends que ça ne représente pas beaucoup, c’est pour le principe!

Le principe. Nom masculin. « Proposition, posée et non déduite, qui sert de base dans un raisonnement. » Source : Dictionnaire Antidote. La base du raisonnement de ta mère est donc de compartimenter une faute pour appliquer une pénalité uniquement sur les sections fautives. Prenons une balade en voiture d’une heure. On trouverait cette situation absurde dans cette analogie : « Monsieur l’agent, j’ai peut-être roulé à 140 km/h sur l’autoroute, mais seulement durant une minute de mon voyage. Donc je devrais avoir une contravention d’une valeur d’un soixantième de la contravention habituelle. » Le principe devrait plutôt être d’appliquer la même règle pour tous : dès qu’on vous prend à dépasser la limite permise, on vous donnera une contravention. Dès qu’il y a un plagiat, la note est de 0%. Le principe.

Cette fois-là, ta mère a gagné parce que je n’avais plus d’énergie à canaliser pour un symbole « anti-plagiat » qui, de toute manière, était dilué par la société de consommation dans laquelle tu vis. Avec le piratage de la musique, de la littérature et du cinéma ; avec ces politiciens qui reprennent mot pour mot les discours des autres et réussissent à se faire élire ; avec l’affaire Claude Robinson… difficile de te faire comprendre pourquoi le vol de la propriété intellectuelle est si nauséabond.

Sarah, il y a plein d’anecdotes comme celle-là qui existent à ton sujet et au sujet de tes parents. J’aimerais te dire que tu es intelligente, que tu es belle et que tu es capable. Mais ça, tout le monde te l’a toujours dit.

Sans te dire le contraire, j’aimerais plutôt t’apprendre que c’est normal à l’école, comme dans la vie en général de faire des erreurs, de se trouver moche puis d’en arracher. Apprends à te relever de ça. Ça fera de toi une femme beaucoup plus forte et épanouie. Tu auras plus de courage quand viendra le temps d’affronter les moments difficiles. Tu auras le privilège de pouvoir remettre en question certaines de tes décisions.

Et à ce moment-là, vêtue d’une cape et d’un caleçon par-dessus tes collants moulants, tu seras Super-Sarah!

mardi 20 juin 2017

Esclaves

L’école devrait avoir comme mandat de rendre ses élèves plus libres. Elle devrait les aider à penser par eux-mêmes et à avoir un meilleur esprit critique.

Pessimisme en voyant cette œuvre. Je n’en connais malheureusement pas l’auteur…

Esclave du mercantilisme.

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Tu caches un trésor

Je vais choisir un nom au hasard pour mon élève : Jonathan.

En cuisine, il y a le plat, et il y a la garniture.

Quand un critique culinaire chipote à propos de la garniture, je le juge un peu…

À la fin de chaque étape, au secondaire, on doit laisser un message à nos élèves. Parfois, c’est nécessaire, parfois, c’est une question de « garniture ». Quand tu commentes un élève de quatrième secondaire, au mois de septembre, sur la qualité de son écriture mathématique, je trouve que tu ressembles à un critique culinaire qui met l’accent sur la garniture… Est-ce nécessaire? C’est un autre sujet.

À la fin de l’année, le commentaire n’est plus obligatoire! Quelle ironie! J’ai cependant eu l’idée d’en ajouter un à un élève qui le méritait vraiment…

Remarque importante : un bulletin du secondaire vous suit toute votre vie. Vous en avez besoin pour être accepté dans beaucoup d’emplois.

Anecdote : On est au dernier cours. Un élève me nargue. C’est un examen. Il « termine » son examen de 70 questions en 30 minutes. Alors qu’il a « fini », il dérange les autres, il fait du bruit, me demande d’aller chercher du travail pour les autres cours (je le laisse faire et revient avec rien, donc je sais qu’il m’a nargué) … Je veux qu’il reste dans la classe après la cloche pour discuter de son comportement discutable… On ne peut pas finir l’année ainsi! Il quitte la classe avant la cloche en me disant « Ben là? Qu’est-ce que tu vas faire? »

Il m’a traité comme si j’étais impuissant face à son geste provocateur.

… Comme je le disais ci-haut, généralement, à la fin de l’année, sur un bulletin, les enseignants ne laissent pas de commentaire.

… J’ai fait une exception pour… Jonathan.

Voici mon dernier commentaire :

« Ton attitude au dernier cours m'a beaucoup déçu, Jonathan. Je te demandais une consigne simple et tu ne l'as pas respectée. Tu as quitté la classe sans vouloir me parler pour qu'on règle les choses. Avec une telle attitude, chose certaine, si j'étais un employeur, je ne t'engagerais pas. »

Bonne chance pour remettre ton bulletin à tes employeurs, Jonathan!

mercredi 7 juin 2017

La brosse à dents en classe : pour ou contre?

Pour mes amis qui ne sont pas en enseignement, je vous apprends sûrement que la nouvelle mode chez les élèves, depuis quelques mois, est d’apporter leur brosse à dents en classe. Ce sont de nouvelles brosses à dents électriques, beaucoup plus petites que celles qu’on connaît à ce jour qui peuvent servir aussi de crayons, de stylos, de gomme à effacer, d’ustensiles, etc.

Grâce à un écran déroulant sur le côté du manche, on peut lire quelques statistiques : combien de fois on se brosse les dents par jour, quels sont les risques que l’on développe des caries, etc. Comme l’appareil est muni d’une caméra vidéo et de plusieurs senseurs, une application de correction facilite l’écriture du français avec l’outil « crayon ». Il y a aussi un compteur de calories qui leur permet d’être conscients de leur alimentation avec l’outil « ustensiles ». Un véritable couteau suisse moderne!

Cependant, depuis l’apparition de cet appareil, je constate que mes élèves passent de plus en plus de temps à se brosser les dents… machinalement, sans réfléchir à ce qu’ils font. Ils ne se soucient plus de leur santé dentaire, ils ne font qu’accumuler de bonnes statistiques afin de les comparer à celles de leurs confrères de classe. Et évidemment, je ne peux garder sous silence toute l’intimidation que vivent les élèves qui n’utilisent qu’une brosse à dents standard.

Évidemment, en classe, l’utilisation de la brosse à dents est interdite, mais comme l’objet est petit et peut se confondre avec un simple crayon, il est très difficile d’intervenir systématiquement avec chaque élève qui sort sa brosse à dents. Vous vous leurrez si vous croyez qu’il est facile de les repérer : dès que vous avez le dos tourné, ils sortent leur brosse. Après, retournez-vous et essayez d’identifier l’élève qui avait activé illégalement son appareil… Même Luc Langevin en serait incapable…

L’administration de mon école a bien tenté d’interdire totalement la brosse à dent au sein de son établissement, mais plusieurs parents se sont plaint : « Comme puis-je m’assurer de la santé dentaire de mon fils si je ne peux pas suivre ses statistiques en ligne ?», demandait une mère, inquiète. « Nos jeunes sont nés avec cette technologie entre les mains et elle fait partie intégrante de leur quotidien. En tant qu’enseignants, vous devrez vous adapter à cette nouvelle réalité. C’est un changement de culture! », affirmait un autre parent.

Pour mes amis qui ne sont pas en enseignement, cessez d’y croire, car c’est faux. C’est mon invention. Il n’y a pas de brosse à dents électrique en classe. Par contre, chaque année, il y a un nouveau gadget qui apparaît dans nos classes.

Je fais une parenthèse ici, mais dernièrement, les élèves se sont procuré des « finger spinners ». Jusqu’à maintenant, je n’en ai vu que trois dans mes classes, mais si j’en crois mes collègues du primaire, bientôt, presque tous les élèves en auront un. Je ne comprends vraiment pas l’attrait de ce jouet : de mon point de vue, c’est un roulement à billes. Les élèves font tourner leur bébelle et la regardent, hypnotisés… Cette mode sera probablement éphémère. Vous vous rappelez qu’au mois de septembre, on parlait de Pokémon Go? Ça ne fait même pas un an! En 2006, les filles dans mes classes avaient toutes un petit miroir et se maquillaient pendant les cours. Cette mode n’existe plus.

Parenthèse close. Revenons aux téléphones cellulaires, car c’est surtout de ça que je voulais parler. Je crois ne pas me tromper si je dis que plusieurs écoles secondaires au Québec, plusieurs Cégeps et probablement plusieurs Universités se questionnent sur l’utilisation du cellulaire en classe. « Le téléphone cellulaire dans nos établissements : pour ou contre? »

Rappelez-vous qu’il y a quelques minutes, vous trouviez complètement absurde que des élèves aient une brosse à dents en classe… Non seulement on se dit que l’objet n’a pas sa place en classe, mais on ne comprend même pas comment il a pu y entrer! Pourquoi un élève aurait eu l’idée farfelue d’apporter une brosse à dents en classe? Ou une corde à danser? Ou un roulement à billes? Ou une bicyclette?

Selon cette étude (http://cep.lse.ac.uk/pubs/download/dp1350.pdf) le fait de bannir les téléphones dans les écoles (pas seulement en classe, mais bien dans l’école complète) aurait un impact positif sur les résultats académiques des élèves.

J’ai donc décidé de faire ma propre recherche. Elle n’a rien de scientifique et elle est probablement biaisée. J’en prends et j’en laisse, mais j’ai fait un petit sondage auprès de 30 élèves de cinquième secondaire et les résultats me surprennent… mais plutôt que de parler de ceux qui me surprennent, commençons par ceux qui ne me surprennent pas.

La majorité des élèves au secondaire ont leur téléphone cellulaire sur eux, dans tous les cours, même si c’est interdit (je salue d’ailleurs leur honnêteté, même si plus tard dans ce texte, j’en douterai…). Ils ne veulent pas le laisser dans leur casier. En moyenne, ils consultent leur téléphone de 2 à 3 fois par cours.

Je leur demande s’ils considèrent qu’ils ont une concentration fragile (par exemple, s’il y a un bruit qui vient de l’extérieur de la classe, si quelqu’un tousse, si quelqu’un échappe quelque chose par terre) et leur réponse est claire : oui, ils ont une concentration fragile.

Ensuite : est-ce que votre cellulaire nuit à votre concentration? C’est presque unanime! Non.

Est-ce que votre cellulaire nuit à la concentration d’un voisin? Là, on reconnaît que c’est probable, mais sans plus... L’opinion est mitigée.

Allons-y avec mes surprises : Qui contactez-vous le plus souvent durant un cours? Ce sont… les parents. Les élèves parlent avec leurs parents dans nos cours. Oups! Erreur! Quand lors des visites de parents, on remet en question la concentration de l’élève, je vais peut-être maintenant poser la question : « avez-vous déjà contacté votre enfant pendant un de ses cours, via messagerie texte ? »

Autre surprise : l’application la plus utilisée (je m’attendais à Messenger, Facebook ou simplement la messagerie texte) est Snapchat dans ma classe en cinquième secondaire. Peut-être est-ce parce qu’ils croient avoir un plein potentiel sur leur anonymat? Ce n’est probablement qu’une mauvaise hypothèse.

Troisième surprise : Pourquoi sont-ils si accroc à leur téléphone cellulaire? Parce que si JAMAIS il y a une URGENCE ils pourront rapidement réagir! Honnêtement, je les croyais plus honnêtes. (J’apprécie ma dernière phrase autant que vous…) Seulement trois élèves sur 30 ont avoué être dépendants de leur téléphone cellulaire. Les autres n’en ont pas besoin, mais l’ont toujours sur eux. (Rappelons ici que le règlement est qu’ils n’ont pas le droit d’un téléphone cellulaire en classe…) Ça voudrait dire que la majorité de mes élèves de cinquième secondaire consultent leur téléphone dans tous leurs cours de 2 à 3 fois par cours (ils durent 1h15) pour s’assurer qu’il n’y a pas d’urgence. Il y a beaucoup d’élèves angoissés dans nos classes… y aurait-il un rapport?

Mon sondage n’est pas scientifique. Mon sondage est biaisé. Tant pis. J’ai quand même appris une chose : mes élèves malades et sont dans leur phase de déni. J’y reviens après ma deuxième parenthèse…

Deuxième parenthèse : Mon père, qui est un enseignant retraité passionné qui continue de faire de la suppléance 6 ans après sa retraite (maudit malade, direz-vous!), gérait durant ses surveillances le port de la casquette dans l’école. C’était la mode : tous les élèves avaient une casquette et craignaient de montrer leurs cheveux dépeignés devant tout le monde… Vous imaginez la honte? Dans les années 90, ne pas avoir la tête remplie de gel mouillé? C’était ça, la honte… Bref, en entrant dans l’école, les élèves devaient enlever leur casquette. Nuance… On ne l’interdisait pas, il ne fallait pas la porter. On l’enlevait en rentrant dans l’école. Ce petit geste appelait au respect.

Ce règlement existe encore, mais comme la nouvelle mode des garçons est d’avoir un chignon mou – comme celui qu’avait la grand-mère dans Passe-Partout, d’ailleurs! – sur le dessus de la tête, la casquette est moins populaire. Mais quand les élèves entraient dans l’école, les surveillants ne faisaient qu’un geste : celui de celui qui retire sa casquette invisible. (J’apprécie ma dernière phrase autant que la dernière fois!) Bref, il y avait un règlement et il était appliqué à l’entrée de l’école : range ça, parce qu’en rangeant ça, tu es respectueux. Si le règlement était applicable en 1999, quand j’étais en secondaire 4, il est sûrement applicable aujourd’hui! (Argument archaïque dira-t-on…)

Fin de la parenthèse. Dans la maladie, il y a plusieurs phases avant d’y arriver à l’acceptation : d’abord le choc (oh… ce téléphone est merveilleux!), ensuite, il y a le déni (ce téléphone est merveilleux, mais je n’y suis pas du tout dépendant. Je peux arrêter de texter quand je veux!), ensuite le désespoir (il n’y a rien à faire, je vais rester accroc… ça doit être à cause des autres ou de la surprotection…), quatrièmement il y a le détachement (au fond, ce n’est pas si grave si j’ai un cellulaire qui date de l’an passé…) et finalement, il y a l’acceptation (je vais laisser mon téléphone cellulaire chez moi. S’il y a une urgence, mes parents peuvent contacter l’école sans problème).

Bref, ça fait déjà 1550 mots et je ne vous ai pas apporté de solutions. Je suis désolé, car ma piste de solution s’arrête là. Par contre, je suis optimiste, puisque dans la maladie, suit toujours une phase d’acceptation. Je l’attends avec espérance.