mercredi 4 janvier 2017

Humour, polarisation et éducation

Au Québec, on passera les prochains jours à parler d’humour. Après les échanges de vœux usuels de bonne année, on se posera la question : Alors? Comment as-tu trouvé le Bye Bye? Puis Infoman? Et on se rendra compte que nos collègues, que nos amis, que les membres de notre famille n’ont pas trouvé un élément drôle que nous, de notre côté, nous avons trouvé hilarant. D’autres seront littéralement offusqués par les propos tenus lors d’une blague. C’est vrai avec le Bye Bye, mais on a aussi eu ce genre de discussions suivant les attentats à Charlie Hebdo, pendant le procès de Mike Ward (qui n’est pas encore terminé en date d’aujourd’hui) et quand la compagnie d’assurance du gala des Olivier avait censuré un gag.

J’ai remarqué que pour l’humour en général, mes interlocuteurs ont rarement des opinions nuancées. Ils ont aimé ou ils ont détesté… Ils ont rarement pris le temps de pondérer leurs positions.

Dans un premier temps, mes observations m’ont porté à croire que d’ordre général, les gens détestent un gag lorsque ce dernier soulève une émotion, ou, dans un deuxième temps, s’il soulève une incompréhension. Comme le dit Robert Aird (https://goo.gl/E8H8lr), historien de l’humour, « vous trouverez méchant un certain gag contre une chanteuse que vous aimez qui fera rire ceux qui l’aiment moins ou la détestent. Ou vous êtes simplement une personne qui ne tolère pas que l’on tourne quelqu’un en dérision, étant très sensible aux autres. »

Selon cette idée, Aird propose donc qu’une personne peut être fâchée parce qu’une de ses émotions (l’émotion rattachée ici à une chanteuse, par exemple) est risible. C’est ici, selon moi, que toute la polarisation au regard de l’humour se distingue. J’irais jusqu’à dire que de polariser l’humour est très égoïste. Aird évoque aussi une forme d’empathie : une personne pourrait aussi trouver un gag moins drôle si elle est très sensible aux autres. C’est vrai que ces personnes existent, mais je ne crois pas qu’elles représentent une majorité. Les personnes qui évoquent une forme d’empathie vont généralement nuancer leurs propos et ainsi, moins polariser toute forme d’opinion…

Toute polarisation au regard de l’humour témoigne donc, à mon avis, d’une grande fermeture d’esprit… alors, par ricochet, d’égoïsme. Si on a tant de mal à discuter d’humour avec les autres, c’est souvent parce qu’ils ont du mal à concevoir qu’une personne puisse rire d’un objet X qu’eux, inversement, apprécient. Cette incompatibilité (ou ce manque d’empathie) crée automatiquement une rupture dans la discussion et par le fait même une polarisation des opinions.

Dans un deuxième temps, l’incompréhension d’un gag provoque parfois chez certaines personnes une violente fermeture. J’ai souvent vu des personnes réagir âprement, par exemple, à l’humour absurde. L’humour absurde, selon Wikipédia, « est une forme d'humour qui viole délibérément les raisons causales aboutissant à des conclusions, des comportements illogiques dans le but de provoquer le rire ». On peut ainsi dire que c’est normal de ne pas comprendre l’humour absurde puisqu’il bouscule volontairement des concepts préconçus.

Je ne trouverai peut-être pas les bons mots, mais je me demande pourquoi cette incompréhension provoque si souvent une « colère » ou une « fermeture » par rapport à l’humour.

On peut se rappeler, lorsque la chanteuse Klô Pelgag avait gagné le Félix de la révélation de l’année en 2014 au gala de l’Adisq : elle avait tenu des propos absurdes et décousus qui étaient pourtant, à mon avis, très drôles (https://goo.gl/x0TWRw). La réaction de plusieurs personnes sur les réseaux sociaux était pourtant très négative.

Il y a, à mon avis, un parallèle à faire avec les élèves qui sont frustrés de ne pas comprendre une notion. Je ne sais pas à quel moment on enseigne aux enfants que de ne pas comprendre, c’est socialement grave, mais je suis totalement en désaccord avec cet enseignement! Chose certaine, c’est que cette information est bien ancrée dans la tête de mes élèves. De mon côté, j’ai eu la chance d’avoir un enseignant qui m’a enseigné que « la chose la plus importante à savoir, c’est qu’on ne sait pas grand-chose ».

Quand un élève ne comprend pas quelque chose, il éprouve le même sentiment qu’un internaute devant un forum de discussion du Journal de Montréal qui traite du discours de Klô Pelgag au gala de l’Adisq, alors qu’on la proclame « découverte de l’année »…

Même chose.

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