vendredi 24 novembre 2017

Trois

Deux personnes de mon entourage étaient en train de parler. Je tendais l’oreille, même si je ne faisais pas partie de la conversation. Ils parlaient d’une tierce personne que je ne connais pas et qui n’était pas sur les lieux.

- L’autre jour, j’étais chez lui et il s’est ouvert une bière. En plein après-midi! Il m’en a offert une et j’ai refusé : y’était même pas 16 heures encore! C’était avant le souper. [L’intonation sur le mot « avant » est importante. Cette personne a pris une pause pour mettre l’accent sur le mot « avant ». C’était comme s’il était tout à fait inapproprié de prendre une consommation l’après-midi avant de souper.] Ça fait que j’lui ai dit : « Tu bois comme ça, une bière tous les jours, avant de souper? » et tu ne sais pas ce qu’il m’a répondu? Il en boit même une après!

- Tous les jours?

- Tous les jours!

- Ç’a pas d’allure!

- Pas d’allure!

- Pi pi… Pi pi pi!

- Wa! Wa… Wa! Wa! Wa…

Bon. Les deux dernières lignes n’étaient peut-être pas exactement formulées ainsi. En fait, c’est que pendant qu’ils parlaient dans le dos de Monsieur Trois, mon cerveau s’est mis en mode « n’écoute pas ça ». Je pense que cette nouvelle fonctionnalité de mon cerveau est arrivée dans une mise à jour quand j’ai eu 30 ans. Je ne me souviens pas.

https://www.youtube.com/watch?v=f4kYaHkkMbU

Mais pendant que les interlocuteurs discutaient à grands coups de « Pi! Pi! Pi! » et de « Wa! Wa! Wa! » avec la réverbération au maximum, je ne pouvais faire autrement que de me sentir coupable de consommer de l’alcool presque tous les jours : d’avoir passé une bonne partie de mes vacances à manger de bonnes bouffes, à boire du bon vin et à goûter à de bonnes bières.

La veille, le 23, un courriel de mon médecin : « Suite à votre prise de sang, Dr Inquiétante souhaite vous rencontrer afin de discuter des résultats. » Ça ne faisait même pas trois jours que ma prise de sang avait été faite ; ça ne faisait même pas une semaine que j’avais un médecin de famille ; et déjà Dr Critique avait de mauvaises nouvelles pour moi. C’est probablement le cholestérol… je ne m’alimente pas très bien. Et si c’était autre chose? J’ai fait la gaffe d’aller voir sur internet ce que pouvait révéler un mauvais test sanguin. Ça pourrait peut-être être grave. Le diabète? Le cancer? J’ai eu peur.

- Pi pi… Pi pi pi pi pi!

- Wa Wa?!! Wa Wa Wa Wa Wa…

Encore plus d’écho dans le dialogue. Le ton encore plus moralisateur, encore plus sermonneur. Comme si c’était la fin du monde. Je me suis mis à écouter à nouveau :

- Le monde qui ne font (sic) pas attention à leur alimentation comme ça, c’est bien de valeur, mais ils ne devraient pas avoir le droit de se faire opérer.

- C’est ça!

- Hey! Ce sont nos taxes qui payent pour des ivrognes pareils.

- C’est ça!

- Moi, je n’aime même pas ça de l’alcool! Bon, j’en prends quand je n’ai pas le choix si je suis invité(e) chez du monde, mais à part ça? Pppp?

https://www.youtube.com/watch?v=a98w8NGhPKA

C’est drôle comme son « Pppp! ». C’est comme faire un pet avec sa bouche pour signifier « et alors? Je m’en fous! ». Pauvre Monsieur Trois. Je ne le connais pas, mais j’ai beaucoup d’empathie pour lui. J’aurais aimé lui dire : « Hé! Ces personnes qui font partie de ton entourage jacassent dans ton dos! Ce ne sont pas de bons amis : au lieu de se soucier réellement de ta santé, ils te jugent et pensent à leurs taxes! Tu les invites chez toi, tu leur offres une bière et eux te perçoivent comme une anomalie du système de santé. »

https://www.youtube.com/watch?v=1s9n4CSct4Y

D’un point de vue rationnel, je n’aurais pas dû, mais je me suis quand même senti coupable. Si Dr Tracas voulait me voir, c’était probablement parce que je n’avais pas pris soin de ma santé de manière adéquate.

J’ai changé de pièce pour cesser d’entendre ce déluge de « Pi! » et de « Wa! ». Tout pédagogue qui se respecte devrait faire des efforts pour faire taire le vacarme assourdissant de l’ineptie ; doucement et rationnellement. Cette journée-là, je n’en avais pas la force.

Je me suis rendu au bureau du médecin plutôt nerveux.

https://www.youtube.com/watch?v=Icf68LrMfdY

Verdict : cholestérol élevé. Triglycérides dans le tapis. Ferritine full blast. Il ne faut pas banaliser, mais j’étais quand même soulagé. Recommandation : perdre du poids, ne pas manger de viande rouge et ne pas boire d’alcool. Suggestion : devenir végétarien. Tout ça pour trois mois.

C'est fait. J’ai fait ma prise de sang. J’ai été végétarien pour 20 repas sur 21 dans par semaine et quand je ne l’étais pas, c’était pour manger du poulet ou de la dinde. J’ai fait plein de bonnes recettes ; vraiment pas toutes, mais quand même une bonne majorité. Pas une goutte d’alcool : ça m’a permis de déguster des bières sans alcool. Par contre, de ce côté, j’ai fait aucune découverte qui m’a jeté par terre. J’ai perdu sainement 21 livres sans tomber dans l’excès inverse.

J’attends les résultats, mais d’ici là, je vais me permettre une certaine souplesse. Prendre une bonne bière ou un bon verre de vin.

Des fois, avant de souper.

Et si ça offusque quelqu’un,

Pppp!

Santé!

mardi 14 novembre 2017

Ça n’intéressera personne (première partie)

Dans Infoman, à la fin de l’année, on entend souvent “Vive le vent” à l’orgue. En transférant en MP3 mes meilleurs vinyles de Noël en préparation pour le 1er décembre, (si on veut les écouter, il faut bien les transférer un jour ou l’autre), j’ai remarqué qu’elle figure sur cet album. C’est “magnifique”.

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dimanche 12 novembre 2017

Saviez-vous, Monsieur Coiteux… (2015)

Souvenir de 2015…

« Il y a moyen de manifester sans perturber les activités des gens. »
Martin Coiteux, Président du Conseil du trésor,
12 novembre 2015

Saviez-vous, monsieur Coiteux, que l’action de manifester est une manière de rendre perceptible un sentiment ? Que par conséquent, cette action doit entrer en conflit avec autrui ? Je ne sais pas pour vous, mais personnellement dans une journée normale, je manifeste sans cesse et sans même m’excuser ! J’ai la chance d’avoir des collègues, des amis, une conjointe – ceux que vous appelez poliment « les gens » - qui acceptent allègrement que je perturbe leurs activités quotidiennes pour leur manifester des opinions, des mécontentements, mais aussi de l’affection.

Mais saviez-vous, monsieur Coiteux que même vous – oui vous ! – vous manifestez ? Par exemple, lorsque vous déposez en partenariat avec divers ministres des offres patronales, vous manifestez votre mode de gestion. Croyez-moi, votre moyen de manifester perturbe les activités des gens ! On peut se permettre d’évaluer que ce genre de manifestation, dans un contrat de travail, a comme impact de perturber quotidiennement des centaines de milliers de personnes pendant la durée totale de leur contrat de travail, soit cinq ans.

Saviez-vous, monsieur Coiteux, qu’à ce jour, les manifestations du secteur public ne totalisent même pas une semaine complète ?

Saviez-vous, monsieur Coiteux, que pour manifester en faveur de la liberté d’expression et contre le racisme, les Français se sont réunis dans les rues de Paris le 11 janvier 2015… et qu’ils étaient près de 4 millions ? Certainement, vous le savez. Vous le savez, parce que vous avez vu les images au Téléjournal et dans les journaux. Cette mobilisation a attiré les regards ; le message des Français s’est fait entendre. Et oui, cette journée-là, le Français moyen qui voulait se rendre au commerce du coin pour s’acheter des bidules est revenu chez lui la mine basse…

Vous le savez très bien, monsieur Coiteux, que par définition, manifester perturbe les activités des gens.

Mais vous savez que plusieurs personnes ne le savent pas et vos propos populistes sont navrants.