mercredi 15 mars 2017

Juste attendre

Voici ce qu’écrivait Line Raymond, enseignante en mathématique au Cégep il y a quelques semaines : « Quand il faut sans cesse ramener à l'ordre une classe, c'est que soit les étudiants ont compris et qu'ils s'ennuient, soit qu'ils se moquent du cours et qu'ils s'amusent. Y a rien comme une évaluation pour en connaître la réponse. »

Je ne sais pas trop comment vous présenter Line, puisqu’à la base, c’est une ancienne prof… Mais je n’aime pas la présenter comme ça puisqu’elle m’a enseigné le calcul avancé en 2002 pendant 15 semaines. Pendant ces mêmes 15 semaines, elle m’a aussi accompagné, avec son collègue maintenant retraité François Laflèche dans mon projet intégrateur de fin de session. Grâce aux magies de la technologie, on a gardé contact et avec les années on a discuté musique, pédagogie, drôleries, on a blogué, on a même composé une chanson! On a tenté d’écrire une nouvelle littéraire sous forme de cadavre exquis et on a abandonné le projet. Elle m’a fait lire Normand Baillargeon. Tout ça depuis 2002. Je ne renie pas les 15 semaines où elle m’a enseigné, mais je retiens beaucoup plus des 15 années qui ont suivies.

Bref, on se situe quelque part entre des amis qui ne se voient jamais et de très bons collègues qui ne travaillent pas ensemble!

Bon, maintenant que les présentations sont faites, je reviens à ça : « Quand il faut sans cesse ramener à l'ordre une classe, c'est que soit les étudiants ont compris et qu'ils s'ennuient, soit qu'ils se moquent du cours et qu'ils s'amusent. Y a rien comme une évaluation pour en connaître la réponse. »

Cette réflexion me revient constamment en tête depuis, je crois, mon premier mois d’enseignement : et si les élèves qui dérangent, au fond, étaient lassés de mes longues explications parce qu’ils ont déjà compris? Je crois que le fait d’enseigner l’informatique cette année – une nouvelle matière pour moi – m’a permis de répondre partiellement à cette question.

Nous avons commencé à programmer des pages en HTML. Le code est assez simple, mais j’y vais lentement afin de m’assurer que les élèves comprennent comment ça fonctionne. J’utilise une méthode de travail pratique que j’ai calquée sur… les cours en design graphique que j’ai suivis. Quand j’apprenais à utiliser le logiciel Photoshop, au début, je trouvais ça long : les exercices pratiques étaient très, très, très faciles. Je voyais mes voisins de classe, dix ans plus jeunes, surfer sur Facebook pendant ce temps et je me disais qu’ils étaient probablement très doués. Par leur attitude nonchalante, ils réussissaient à rayonner auprès des autres! Quelques cours plus tard, alors que c’était plus difficile, ils se sont mis au travail et avaient du mal à suivre. Sans vouloir me vanter, de mon côté, j’avais réussi à garder le rythme.

Dans le cours que je donne, j’ai expliqué la semaine dernière comment programmer des tableaux en HTML : comment fusionner des cellules, comment faire une ligne d’en-tête, comment fusionner des colonnes, etc. Pendant ce temps, je voyais des élèves faire autre chose, mais tout de même en approfondissant leurs connaissances dans le domaine, ce que je trouve tout de même remarquable! Pendant que j’enseigne la programmation des tableaux, eux vont fouiller sur le langage CSS et JavaScript, c’est fort! Ça ne m’arrive pratiquement jamais en mathématique. Jamais un élève ne faisait des recherches sur les séries de Fourrier alors que j’enseignais comment faire la preuve de la formule des zéros de la fonction quadratique!

Non. En mathématique, j’ai compris que dès qu’un problème prend plus que trois étapes de résolution, même si on l’enseigne, même si on leur fait découvrir, même si on le fait enseigner par les pairs, quand arrive le temps de corriger le problème afin de vérifier si toute la démarche est bonne, la moitié de la classe a perdu l’attention. Peut-être plus.

Ça parle. On ramène à l’ordre. Ça rit. On ramène à l’ordre. Ça chiale. On fait une blague, puis on ramène à l’ordre. Ça lance un avion en papier. On ne fait pas de blague, on est insulté, puis on ramène à l’ordre. Ça se lève pendant qu’on est en train de donner les dernières instructions du cours, juste avant que ça sonne… On est insulté, on compare le groupe à un troupeau de vaches puis on ramène à l’ordre.

Personnellement, je me sens souvent insulté lorsque je ramène à l’ordre des élèves qui ont l’âge d’avoir des responsabilités d’adultes. Ça, c’est un autre sujet.

Ensuite, on fait une évaluation. En informatique, c’est frappant! Les élèves qui semblaient se débrouiller le mieux échouent en théorie… Et de la théorie à choix de réponse toute bête en plus! En mathématique, c’est difficile de nuancer, puisque souvent, l’élève qui n’a pas compris aura laissé une page blanche.

Alors… ces élèves qu’on ramène à l’ordre, ce sont des doués ou des loques?

Voici ma conclusion toute simple : ce sont des personnes qui n’ont jamais appris à être patientes.

C’est tout.

Ils n’ont jamais appris à attendre en ligne sans se divertir avec leur téléphone intelligent.

Ils n’ont jamais appris à faire un voyage en voiture sans regarder de film.

Ils n’ont jamais appris à regarder les éclairs dehors lors d’une panne d’électricité.

Ils n’ont jamais appris à laisser murir une idée. Parce qu’une idée, en 2017, il faut la dire tout de suite, car celui qui parle le plus rapidement a généralement le dernier mot! Comme si la répartie primait sur la réflexion…

Ils n’ont jamais appris à attendre.

Juste attendre.

Attendre en écoutant le fil des idées. En se questionnant. En se remettant en question. En se rappelant. Laisser notre mijoteuse cervicale à cuisson lente pendant des heures. Laisser braiser les idées à feu doux.

Est-ce générationnel? Pas du tout. Il y a un paquet d’X et de baby-boomer comme ça… Ils ont tous en commun le fait de ne pas avoir appris à être patients. Les X impatients n’ont jamais appris à finir les jeux vidéo sur Nintendo sans utiliser de codes qu’ils trouvaient dans des revues spécialisées et les boomers impatients n’ont jamais appris à attendre que la ligne soit pointillée avant de dépasser sur l’autoroute.

Ce qui est peut-être générationnel, c’est le fait de ne pas constater qu’être impatient, ce n’est pas trop poli et ça manque un peu de décorum.

La prochaine question : comment est-ce que ça s’enseigne, être patient?

mercredi 22 février 2017

Quarante piasses

Je fais un projet dans mon cours de multimédia qui est sous forme de concours. Le projet déborde un peu de l’évaluation et dénote un côté compétitif. Quand la compétition est saine, elle donne une certaine source de motivation et c’est pourquoi je ne suis pas toujours contre. Peut-être plus particulièrement dans le domaine des arts, car une œuvre ne fait jamais l’unanimité et je crois qu’un artiste est toujours plus lucide s’il est humble.

Bref, le travail est de créer la page couverture de l’agenda de l’an prochain. Le gagnant (ou l’équipe gagnante) aura la chance de voir leur travail sur l’agenda de l’an prochain (comme ils seront au Cégep, on leur remettra une copie, évidemment) en plus de gagner un certificat cadeau de 40$.

Je vois personnellement ce certificat cadeau comme un droit d’auteur. Nous utiliserons leur œuvre, la copierons plus de 1000 fois sur un agenda qui sera vu tous les jours par tous les étudiants de l’école. Ce n’est pas rien et pour moi, le droit d’auteur est un concept essentiel à enseigner au secondaire. Je veux être bien clair : il ne s’agit pas d’un travail normal, il s’agit d’un travail qui sera réutilisé, imprimé et publié. L’utilisation de leur œuvre mérite un prix, à mon avis.

… Quarante dollars. Pour leur faire comprendre la notion de droit d’auteur. Je pensais que c’était pour être suffisant. Peut-être pas…

Je cherchais donc un certificat cadeau en lien avec le cinéma ou la télévision et j’ai proposé à mes élèves un certificat cadeau de 40$ pour le service Netflix. Déjà que je pilais sur certaines de mes convictions (car Netflix ne pait pas de taxes/impôts au Canada – beurk! – et ne présente presque aucun contenu québécois – re-beurk!), j’ai fait face à un autre problème… qui m’a déçu… encore une fois…

- Oui, mais… monsieur, on a tous déjà Netflix.

- Ah! Ben c’est parfait, lors de votre prochain abonnement, vous pourrez avoir quatre mois payés par votre certificat cadeau et si jamais vous êtes deux, ça vous fera deux mois chacun… à la limite, prenez-vous un abonnement 2 écrans et profitez tous deux de 4 mois!

- Ben non… c’est pas nous qui paye…

- C’est vos parents?

- Ben oui!

- Mais si jamais vous déménagez l’an prochain, le certificat cadeau va être encore bon, vous pourrez l’utiliser.

- Nos parents vont nous payer encore Netflix monsieur…

- Ah… Donc, un certificat cadeau de 40$ pour Netflix, ce n’est pas vraiment une paye?

- Non… C’est une paye pour nos parents.

- Ok… Je vais réfléchir à ça.

Alors je réfléchis. D’autres élèves m’ont dit qu’ils utilisaient un même compte Netflix pour toute la famille élargie. Tante, oncle, cousin, voisine, etc. On est loin de la compréhension des droits d’auteurs…

Au secondaire, ne travaillant pas, quand j’allais au cinéma, c’était souvent mes parents qui payaient. Je me rappelle en secondaire 5 avoir gagné une entrée gratuite au cinéma pour mon assiduité scolaire. Ce n’était pas grand-chose, mais j’étais content… Il me semble que jamais je ne me suis dit que le certificat n’en valait pas le coût parce que mes parents me payaient des sorties et que je ne maximiserais pas mes profits…

Merde, un certificat-cadeau Netflix, ce n’est pas non plus 40$ de rabais sur un REER!

Hm! Un REER! C’est peut-être ça la solution…

Ça me déprime un peu…

jeudi 2 février 2017

Reggiani

Quand j'étais en cinquième secondaire, j'ai emprunté à mon parrain un coffret de la discographie complète de Jacques Brel, que je ne connaissais pas du tout. J'écoutais Jacques Brel entre mes cours et je disais à mes amis que c'était du Green Day. J'adorais l'idée de passer à travers une discographie complète d'un seul coup. Dans les années qui ont suivies, à ma fête, mon parrain m'a offert les cd de Jacques Brel en cadeau ainsi que des partitions. J'ai appris à jouer Amsterdam, Les bonbons, Voir un ami pleurer, Les bourgeois et j'en passe.

Mettre le nez (ou l'oreille) dans une discographie complète, c'est comme fouiller dans une encyclopédie. Ça demande des moments d'arrêt. Ça demande des relectures.

Hier, je me suis acheté la discographie complète de Serge Reggiani, que je connais très peu et ça me rappelle beaucoup mon écoute de l'œuvre de Brel. C'est certain que Reggiani n'était pas l'auteur/compositeur de ses chansons, mais il savait bien s'entourer, car il me semble que ses chansons n'étaient pas trop bêtes!

Quand Reggiani chante “Si tu me payes un verre”, il me semble qu’on est loin de plusieurs chansons pop… Pas que je suis contre la pop, au contraire, si vous saviez toutes les quétaineries que j’aime écouter. Mais m’semble que du Reggiani, c’est vraiment pas con!

Celle-là, je l’ai écouté 10 fois :

Si tu me payes un verre : https://www.youtube.com/watch?v=QlaTpkTgAsY

dimanche 8 janvier 2017

Apprivoiser la techno en classe – mes observations

On pouvait lire ce samedi cet article sur l’utilisation des technologies en classe dans Le Devoir : http://www.ledevoir.com/societe/education/488630/apprivoiser-la-techno-dans-la-classe. Cette année, j’ai la chance d’enseigner un cours d’informatique monté sur mesure pour mes élèves de cinquième secondaire et la lecture de cette rencontre avec M. Ron Canuel, président de l’Association canadienne d’éducation, m’a donné envie de présenter mes observations (qui n’ont rien de scientifique et se basent sur un trop petit échantillon pour être prises comme étant une vérité) en ce qui a trait aux compétences de mes élèves avec les technologies.

Utilisation en classe depuis le primaire

Je demande souvent à mes élèves comment ils ont utilisé les technologies dans le passé. Il faut dire que la majorité du temps, c’est l’enseignant qui utilise les technologies (et en ce qui concerne les cours de mathématique que je donne, je peux confirmer cette affirmation). Les rares élèves qui ont utilisé une tablette au primaire (notons ici que mes élèves étaient au primaire entre 2006 et 2012) ne l’utilisaient que pour des tâches simples : par exemple, en mathématique, ils ont utilisé la fonction « calculatrice ». En français, ils ont utilisé la tablette pour faire de l’analyse de texte : en utilisant des couleurs différentes, ils peuvent souligner les types de mots (les verbes, les déterminants, les adverbes, etc.) à titre d’exemple. http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/807209/tablette-ecole-ecole-primaire-arpege-ipad
À peu près tous les élèves qui ont utilisé la tablette en classe l’ont toujours fait à l’aide une application très spécifique à la fois. Comme si chaque apprentissage nécessitait une application différente. À trop morceler les apprentissages, on n’enseigne à ces élèves aucune nouvelle connaissance : d’enseigner les rudiments de la phrase avec l’application « Phrase plus! »  n’ajoute pas de nouvel apprentissage technologique par rapport à enseigner les rudiments de la phrase avec un papier et un crayon. En fait, les connaissances acquises lors de l’utilisation d’une tablette ou  d’un ordinateur sont très rarement technologiques : ils ont rarement appris, à titre d’exemple, à personnaliser leur environnement de travail afin qu’il soit plus efficace pour eux, à utiliser les raccourcis clavier de telle ou telle application, et à mon avis le plus important : à ordonner des fichiers et des dossiers!
Notons d’ailleurs que ces apprentissages se situent uniquement dans les premiers niveaux de la taxonomie de Bloom https://fr.wikipedia.org/wiki/Taxonomie_de_Bloom. Les apprentissages sont donc souvent des apprentissages de surface (que je trouve, malgré le fait qu’on pourrait faire davantage, essentiels).

Le Mozart du VHS

Les apprentissages faits avec la technologie au primaire faussent à mon avis l’interprétation qu’ont les élèves de leurs propres connaissances. On a trop souvent félicité les élèves lorsqu’ils réussissaient à faire quelque chose de nouveau avec un appareil technologique. Les parents s’étonnent lorsque leur enfant leur montre quelque chose et en concluent immédiatement que ce dernier doit être un surdoué des technologies. Mes parents ont fait de même avec moi (et d’ailleurs ils se plaisent à raconter cette anecdote encore et encore à toute la famille, mais bon… on s’éloigne un peu) : quand j’étais en maternelle, j’ai réussi à programmer le lecteur VHS afin qu’il enregistre mon émission préférée. Pour mes parents, c’était grandiose, mais avouons que j’étais loin d’être le Mozart du VHS…
On gonfle peut-être trop (ou mal?) la confiance de nos élèves avec la technologie et cela les porte à croire qu’ils connaissent tout… et surtout qu’ils connaîtront tout. Remarquons aussi que les technologies sont toujours changeantes et que les apprentissages que l’on fait doivent être en constante évolution : dans ce domaine, on est loin de l’apprentissage du théorème de Pythagore : ce dernier se fera encore de la même façon dans 20 ans! Par contre, l’utilisation d’un ordinateur aura forcément changé. Si on n’enseigne pas à nos élèves à apprendre à apprendre par eux-mêmes, je crois qu’on crée un glissement cognitif.

Aller plus loin – les défis de l’avenir en enseignement des technologies

À l’avenir, je crois que les principales pistes à observer dans le domaine de l’enseignement à l’aide des technologies de l’information et des communications seront celles du développement d’un bon jugement critique. Celui qui permettra aux élèves d’évaluer la pertinence d’une source provenant du web et celui qui leur permettra de comprendre la nature du plagiat et de ses conséquences, à titre d’exemple…

jeudi 5 janvier 2017

Deux solitudes

Les deux solitudes sont peut-être différentes du roman de Hugh MacLennan (1945) – que je dois ajouter à mes lectures de 2017 – mais à mon avis les résultats de ce sondage démontrent qu’elles sont concrètes.

Source : https://goo.gl/PfWSn0

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mercredi 4 janvier 2017

Humour, polarisation et éducation

Au Québec, on passera les prochains jours à parler d’humour. Après les échanges de vœux usuels de bonne année, on se posera la question : Alors? Comment as-tu trouvé le Bye Bye? Puis Infoman? Et on se rendra compte que nos collègues, que nos amis, que les membres de notre famille n’ont pas trouvé un élément drôle que nous, de notre côté, nous avons trouvé hilarant. D’autres seront littéralement offusqués par les propos tenus lors d’une blague. C’est vrai avec le Bye Bye, mais on a aussi eu ce genre de discussions suivant les attentats à Charlie Hebdo, pendant le procès de Mike Ward (qui n’est pas encore terminé en date d’aujourd’hui) et quand la compagnie d’assurance du gala des Olivier avait censuré un gag.

J’ai remarqué que pour l’humour en général, mes interlocuteurs ont rarement des opinions nuancées. Ils ont aimé ou ils ont détesté… Ils ont rarement pris le temps de pondérer leurs positions.

Dans un premier temps, mes observations m’ont porté à croire que d’ordre général, les gens détestent un gag lorsque ce dernier soulève une émotion, ou, dans un deuxième temps, s’il soulève une incompréhension. Comme le dit Robert Aird (https://goo.gl/E8H8lr), historien de l’humour, « vous trouverez méchant un certain gag contre une chanteuse que vous aimez qui fera rire ceux qui l’aiment moins ou la détestent. Ou vous êtes simplement une personne qui ne tolère pas que l’on tourne quelqu’un en dérision, étant très sensible aux autres. »

Selon cette idée, Aird propose donc qu’une personne peut être fâchée parce qu’une de ses émotions (l’émotion rattachée ici à une chanteuse, par exemple) est risible. C’est ici, selon moi, que toute la polarisation au regard de l’humour se distingue. J’irais jusqu’à dire que de polariser l’humour est très égoïste. Aird évoque aussi une forme d’empathie : une personne pourrait aussi trouver un gag moins drôle si elle est très sensible aux autres. C’est vrai que ces personnes existent, mais je ne crois pas qu’elles représentent une majorité. Les personnes qui évoquent une forme d’empathie vont généralement nuancer leurs propos et ainsi, moins polariser toute forme d’opinion…

Toute polarisation au regard de l’humour témoigne donc, à mon avis, d’une grande fermeture d’esprit… alors, par ricochet, d’égoïsme. Si on a tant de mal à discuter d’humour avec les autres, c’est souvent parce qu’ils ont du mal à concevoir qu’une personne puisse rire d’un objet X qu’eux, inversement, apprécient. Cette incompatibilité (ou ce manque d’empathie) crée automatiquement une rupture dans la discussion et par le fait même une polarisation des opinions.

Dans un deuxième temps, l’incompréhension d’un gag provoque parfois chez certaines personnes une violente fermeture. J’ai souvent vu des personnes réagir âprement, par exemple, à l’humour absurde. L’humour absurde, selon Wikipédia, « est une forme d'humour qui viole délibérément les raisons causales aboutissant à des conclusions, des comportements illogiques dans le but de provoquer le rire ». On peut ainsi dire que c’est normal de ne pas comprendre l’humour absurde puisqu’il bouscule volontairement des concepts préconçus.

Je ne trouverai peut-être pas les bons mots, mais je me demande pourquoi cette incompréhension provoque si souvent une « colère » ou une « fermeture » par rapport à l’humour.

On peut se rappeler, lorsque la chanteuse Klô Pelgag avait gagné le Félix de la révélation de l’année en 2014 au gala de l’Adisq : elle avait tenu des propos absurdes et décousus qui étaient pourtant, à mon avis, très drôles (https://goo.gl/x0TWRw). La réaction de plusieurs personnes sur les réseaux sociaux était pourtant très négative.

Il y a, à mon avis, un parallèle à faire avec les élèves qui sont frustrés de ne pas comprendre une notion. Je ne sais pas à quel moment on enseigne aux enfants que de ne pas comprendre, c’est socialement grave, mais je suis totalement en désaccord avec cet enseignement! Chose certaine, c’est que cette information est bien ancrée dans la tête de mes élèves. De mon côté, j’ai eu la chance d’avoir un enseignant qui m’a enseigné que « la chose la plus importante à savoir, c’est qu’on ne sait pas grand-chose ».

Quand un élève ne comprend pas quelque chose, il éprouve le même sentiment qu’un internaute devant un forum de discussion du Journal de Montréal qui traite du discours de Klô Pelgag au gala de l’Adisq, alors qu’on la proclame « découverte de l’année »…

Même chose.

mercredi 21 décembre 2016

Haïr Noël (ou le conformisme du non-conformiste)

Chaque année, je croise quelqu’un qui déteste Noël et qui cherche mon approbation dans sa discussion :

« Noël! Franchement! Hein? Cette surconsommation! Hein? Recevoir la famille… Pfff! Hein? Pas d’allure! Hein? »

Je suis toujours mal à l’aise quand quelqu’un me parle en me mettant son opinion dans la bouche sans me laisser parler. Comme si le fait de dire « Hein? » à la fin de ce qui n’est même pas une phrase rassurait mon interlocuteur.

Le problème avec les gens qui détestent Noël, c’est qu’ils ne réussissent pas à avoir mon approbation… parce que j’aime ça, Noël! Mais d’un point de vue objectif, ils ont quand même probablement raison : je suis peut-être trop nostalgique, trop conformiste, trop capitaliste… Trop gna-gna avec mon cœur d’enfant… Je nourris peut-être trop mon propre plaisir à faire des cadeaux aux autres… Je trouve néanmoins que tout ça est moins lourd que d’être avare comme un rat. Comme Monsieur Scrooge.

Le principal argument des gens qui n’aiment pas Noël, c’est que c’est inutile de dépenser autant d’argent pour faire des cadeaux. Je dirais ici – par pure observation trop peu scientifique – que ces gens se divisent en trois catégories : les menteurs, les puristes et les casse-culs.
Les menteurs de Noël sont ceux qui trouvent ridicule le fait de se donner plusieurs cadeaux dans le temps des fêtes. Ceux-là optent pour une option beaucoup moins capitaliste, à leur avis : ils ne s’offrent qu’un seul cadeau. Et parfois, un seul cadeau pour la famille complète. Mais le cadeau qu’ils s’offrent dépasse largement la valeur des petits cadeaux qu’ils dénoncent : ils s’offrent un voyage, un nouvel ordinateur, une voiture, un instrument de musique, etc. Il m’apparaît de très mauvaise foi de juger la nature capitaliste de ceux qui s’offrent des livres, des films et des jouets alors que tes dépenses pour Noël sont plus élevées!

Les puristes de Noël sont ceux qui trouvent ridicule le fait de dépenser pour faire un cadeau. Ils prônent plutôt des cadeaux « à coût nul » : donner un livre usagé, donner un coupon valide pour du temps d’aide pour enlever les pneus d’hiver, un dessin, une carte faite à la main, du temps pour aller bouquiner, du temps pour cuisiner, etc. L’idée est bien noble, mais tout cela est, pour la personne qui offre ce cadeau, bien plus déculpabilisant que noble… Et tout ça rime souvent avec cadeau forcé… que le cadeau soit un bien ou un service, lorsqu’il est forcé, il est tout aussi désagréable à recevoir.
Les casse-culs de Noël sont ceux qui jugeront pratiquement toutes les activités que vous voudrez entreprendre dans le temps des fêtes. Un échange de cadeau? Trop conformiste. Une marche en plein air en famille? Ringard. Un souper de Noël? Trop 1970, est-ce qu’on peut évoluer un peu?! Ok, d’abord, cette année, on ne fête pas Noël. Trop non-conformiste.  


Le temps des fêtes, c’est un temps d’arrêt pour voir ceux qu’on aime… et peu importe votre manière de le prendre, je vous souhaite un Joyeux Noël!