Quand on est roux, on se fait parler de ses cheveux à peu près tous les jours. Quand on laisse pousser ses cheveux, on s’en fait parler souvent aussi, mais surtout par les gens qu’on n’a pas vu depuis longtemps, un peu comme la visite quand on était enfant : « Hon! T’as donc bien grandi! ». Dire que le small talk des gens normaux tourne autour de la météo…
J’ai les cheveux roux à cause du hasard de la génétique et j’ai
les cheveux longs un peu à cause de la pandémie.
En 2011, dans le cadre d’une activité parascolaire, nous
avions visité les studios de Radio-Canada et nous avions assisté au tournage de
l’émission Tout le monde en parle. Je me souviens d’un invité, un élève
du secondaire qui organisait une grande marche à Montréal contre l’intimidation.
Ce soir-là, il y avait dans la foule deux roux et l’animateur de foule, durant
la pause a eu la brillante idée d’aller interviewer les deux roux de la place
pour parler d’intimidation.
-
Vous les gars, avez-vous été victimes d’intimidation
quand vous étiez ados?
C’est l’autre qui a commencé. Heureusement pour moi. Il
avait été victime d’intimidation et ça avait brisé une partie de son adolescence.
Il a raconté quelques anecdotes où il se faisait dire « Hey le roux! »
par des gens de son école et ça l’a amené à s’isoler. L’animateur de foule lui
a demandé s’il avait des solutions et ce dernier avait répondu qu’on devait
sensibiliser les gens afin de stopper l’intimidation sur la planète.
La pause publicitaire s’est terminée, alors l’animateur de
foule n’a pas eu le temps de venir me questionner. Il aurait probablement été
déçu d’apprendre qu’à l’adolescence, je n’ai jamais vraiment été victime d’intimidation.
Me faire dire « Hey le roux! », ça arrivait chaque jour, mais je pense
que l’éducation que j’ai reçue m’a appris à développer un bon sens de l’humour
et de l’autodérision. Quand quelqu’un me lançait une blague sur les roux, si
vulgaire soit-elle, je répliquais avec une blague encore pire et plus vulgaire
que celle qu’on venait d’entendre. Pour vrai, j’ai vu des intimidateurs complètement
déboussolés face à ce que je racontais.
Comme je m’impliquais dans plein d’activité parascolaire, j’avais
un cercle d’ami assez solide et diversifié et je pense bien humblement que j’ai
su leur démontrer que ma gentillesse et mon énergie comique éclipsaient la couleur
de mes cheveux.
Imaginez si mon homologue dans la foule de Tout le monde
en parle avait été victime du cancer. Est-ce que sa solution aurait été de
sensibiliser les gens afin de stopper le cancer sur la planète? Bien qu’elle aurait
été de très bonne foi, cette solution n’est pas la bonne et tient un peu de la
pensée magique. Dans les deux cas, on doit faire appel aux experts et à la
science. On doit sensibiliser les gens, oui, mais aux actions que ceux-ci
peuvent poser individuellement et collectivement pour atténuer et éventuellement
guérir.
L’intimidation, on réussira à la dompter le jour où on
apprendra à vivre avec elle. À cet égard, je crois qu’on doit s’inspirer de la
résilience et du courage qu’ont les personnes qui vivent avec la maladie. Si le
hasard de la génétique a fait en sorte que mes cheveux soient roux, je peux me
considérer vraiment chanceux, car le hasard de la génétique n’a pas un très bon
esprit de discernement…
Depuis que j’enseigne, je me rends compte qu’une des
qualités que j’apprécie le plus chez un élève, c’est sa capacité d’adaptation. Sa
capacité de compréhension que ses enseignants ont des personnalités et des méthodes
d’enseignement différentes et que ça explique pourquoi il y en a un qui exige de
faire toutes ses démarches au crayon à mine et que l’autre exige de faire un
propre à l’encre bleue. Sa capacité de mettre sur pause ses soucis personnels
pour apprendre à trouver les abscisses à l’origine de la fonction quadratique.
Sa capacité de se faire dire que finalement l’examen ne pourra pas avoir lieu
mardi parce qu’il y a un imprévu. Sa capacité de comprendre que son enseignant
n’a pas eu le temps de corriger son examen… Sa capacité d’attendre sans rouspéter
que la cloche sonne pour utiliser son cellulaire…
Tout compte fait, c’est pour ça que j’ai un immense respect
pour la résilience qu’ont les personnes atteintes d’un cancer et j’ai envie de
leur dire « courage » à ma façon, parce qu’on ne peut pas sensibiliser
la population à stopper le cancer sur la planète, mais on peut la sensibiliser à
l’importance de la recherche clinique. Que grâce à des dons, « on peut
mettre en place des moyens concrets pour survivre au choc du diagnostic, on
peut diminuer la souffrance physique et psychologique, on peut briser l’isolement,
contribuer au bien-être et qu’on peut apporter une aide financière au moment où
les familles en ont besoin »[1].
Pour toutes ces raisons, j’ai accepté qu’on parle encore et
toujours de mes cheveux d’Ed Sheeran et je participerai avec grande fierté au
défi tête rasée de Leucan le 3 juin prochain organisé à mon école, l’école
secondaire du Versant.
C’est donc avec mon énergie comique que je vous demande
gentiment de m’encourager à éclipser mes cheveux en faisant un don ici pour Leucan :
P.S. Pour celles et ceux qui sont victimes d’intimidation, je
ne vous oublie pas. Des moyens concrets existent aussi pour apprendre à y faire
face.
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