mercredi 7 juin 2017

La brosse à dents en classe : pour ou contre?

Pour mes amis qui ne sont pas en enseignement, je vous apprends sûrement que la nouvelle mode chez les élèves, depuis quelques mois, est d’apporter leur brosse à dents en classe. Ce sont de nouvelles brosses à dents électriques, beaucoup plus petites que celles qu’on connaît à ce jour qui peuvent servir aussi de crayons, de stylos, de gomme à effacer, d’ustensiles, etc.

Grâce à un écran déroulant sur le côté du manche, on peut lire quelques statistiques : combien de fois on se brosse les dents par jour, quels sont les risques que l’on développe des caries, etc. Comme l’appareil est muni d’une caméra vidéo et de plusieurs senseurs, une application de correction facilite l’écriture du français avec l’outil « crayon ». Il y a aussi un compteur de calories qui leur permet d’être conscients de leur alimentation avec l’outil « ustensiles ». Un véritable couteau suisse moderne!

Cependant, depuis l’apparition de cet appareil, je constate que mes élèves passent de plus en plus de temps à se brosser les dents… machinalement, sans réfléchir à ce qu’ils font. Ils ne se soucient plus de leur santé dentaire, ils ne font qu’accumuler de bonnes statistiques afin de les comparer à celles de leurs confrères de classe. Et évidemment, je ne peux garder sous silence toute l’intimidation que vivent les élèves qui n’utilisent qu’une brosse à dents standard.

Évidemment, en classe, l’utilisation de la brosse à dents est interdite, mais comme l’objet est petit et peut se confondre avec un simple crayon, il est très difficile d’intervenir systématiquement avec chaque élève qui sort sa brosse à dents. Vous vous leurrez si vous croyez qu’il est facile de les repérer : dès que vous avez le dos tourné, ils sortent leur brosse. Après, retournez-vous et essayez d’identifier l’élève qui avait activé illégalement son appareil… Même Luc Langevin en serait incapable…

L’administration de mon école a bien tenté d’interdire totalement la brosse à dent au sein de son établissement, mais plusieurs parents se sont plaint : « Comme puis-je m’assurer de la santé dentaire de mon fils si je ne peux pas suivre ses statistiques en ligne ?», demandait une mère, inquiète. « Nos jeunes sont nés avec cette technologie entre les mains et elle fait partie intégrante de leur quotidien. En tant qu’enseignants, vous devrez vous adapter à cette nouvelle réalité. C’est un changement de culture! », affirmait un autre parent.

Pour mes amis qui ne sont pas en enseignement, cessez d’y croire, car c’est faux. C’est mon invention. Il n’y a pas de brosse à dents électrique en classe. Par contre, chaque année, il y a un nouveau gadget qui apparaît dans nos classes.

Je fais une parenthèse ici, mais dernièrement, les élèves se sont procuré des « finger spinners ». Jusqu’à maintenant, je n’en ai vu que trois dans mes classes, mais si j’en crois mes collègues du primaire, bientôt, presque tous les élèves en auront un. Je ne comprends vraiment pas l’attrait de ce jouet : de mon point de vue, c’est un roulement à billes. Les élèves font tourner leur bébelle et la regardent, hypnotisés… Cette mode sera probablement éphémère. Vous vous rappelez qu’au mois de septembre, on parlait de Pokémon Go? Ça ne fait même pas un an! En 2006, les filles dans mes classes avaient toutes un petit miroir et se maquillaient pendant les cours. Cette mode n’existe plus.

Parenthèse close. Revenons aux téléphones cellulaires, car c’est surtout de ça que je voulais parler. Je crois ne pas me tromper si je dis que plusieurs écoles secondaires au Québec, plusieurs Cégeps et probablement plusieurs Universités se questionnent sur l’utilisation du cellulaire en classe. « Le téléphone cellulaire dans nos établissements : pour ou contre? »

Rappelez-vous qu’il y a quelques minutes, vous trouviez complètement absurde que des élèves aient une brosse à dents en classe… Non seulement on se dit que l’objet n’a pas sa place en classe, mais on ne comprend même pas comment il a pu y entrer! Pourquoi un élève aurait eu l’idée farfelue d’apporter une brosse à dents en classe? Ou une corde à danser? Ou un roulement à billes? Ou une bicyclette?

Selon cette étude (http://cep.lse.ac.uk/pubs/download/dp1350.pdf) le fait de bannir les téléphones dans les écoles (pas seulement en classe, mais bien dans l’école complète) aurait un impact positif sur les résultats académiques des élèves.

J’ai donc décidé de faire ma propre recherche. Elle n’a rien de scientifique et elle est probablement biaisée. J’en prends et j’en laisse, mais j’ai fait un petit sondage auprès de 30 élèves de cinquième secondaire et les résultats me surprennent… mais plutôt que de parler de ceux qui me surprennent, commençons par ceux qui ne me surprennent pas.

La majorité des élèves au secondaire ont leur téléphone cellulaire sur eux, dans tous les cours, même si c’est interdit (je salue d’ailleurs leur honnêteté, même si plus tard dans ce texte, j’en douterai…). Ils ne veulent pas le laisser dans leur casier. En moyenne, ils consultent leur téléphone de 2 à 3 fois par cours.

Je leur demande s’ils considèrent qu’ils ont une concentration fragile (par exemple, s’il y a un bruit qui vient de l’extérieur de la classe, si quelqu’un tousse, si quelqu’un échappe quelque chose par terre) et leur réponse est claire : oui, ils ont une concentration fragile.

Ensuite : est-ce que votre cellulaire nuit à votre concentration? C’est presque unanime! Non.

Est-ce que votre cellulaire nuit à la concentration d’un voisin? Là, on reconnaît que c’est probable, mais sans plus... L’opinion est mitigée.

Allons-y avec mes surprises : Qui contactez-vous le plus souvent durant un cours? Ce sont… les parents. Les élèves parlent avec leurs parents dans nos cours. Oups! Erreur! Quand lors des visites de parents, on remet en question la concentration de l’élève, je vais peut-être maintenant poser la question : « avez-vous déjà contacté votre enfant pendant un de ses cours, via messagerie texte ? »

Autre surprise : l’application la plus utilisée (je m’attendais à Messenger, Facebook ou simplement la messagerie texte) est Snapchat dans ma classe en cinquième secondaire. Peut-être est-ce parce qu’ils croient avoir un plein potentiel sur leur anonymat? Ce n’est probablement qu’une mauvaise hypothèse.

Troisième surprise : Pourquoi sont-ils si accroc à leur téléphone cellulaire? Parce que si JAMAIS il y a une URGENCE ils pourront rapidement réagir! Honnêtement, je les croyais plus honnêtes. (J’apprécie ma dernière phrase autant que vous…) Seulement trois élèves sur 30 ont avoué être dépendants de leur téléphone cellulaire. Les autres n’en ont pas besoin, mais l’ont toujours sur eux. (Rappelons ici que le règlement est qu’ils n’ont pas le droit d’un téléphone cellulaire en classe…) Ça voudrait dire que la majorité de mes élèves de cinquième secondaire consultent leur téléphone dans tous leurs cours de 2 à 3 fois par cours (ils durent 1h15) pour s’assurer qu’il n’y a pas d’urgence. Il y a beaucoup d’élèves angoissés dans nos classes… y aurait-il un rapport?

Mon sondage n’est pas scientifique. Mon sondage est biaisé. Tant pis. J’ai quand même appris une chose : mes élèves malades et sont dans leur phase de déni. J’y reviens après ma deuxième parenthèse…

Deuxième parenthèse : Mon père, qui est un enseignant retraité passionné qui continue de faire de la suppléance 6 ans après sa retraite (maudit malade, direz-vous!), gérait durant ses surveillances le port de la casquette dans l’école. C’était la mode : tous les élèves avaient une casquette et craignaient de montrer leurs cheveux dépeignés devant tout le monde… Vous imaginez la honte? Dans les années 90, ne pas avoir la tête remplie de gel mouillé? C’était ça, la honte… Bref, en entrant dans l’école, les élèves devaient enlever leur casquette. Nuance… On ne l’interdisait pas, il ne fallait pas la porter. On l’enlevait en rentrant dans l’école. Ce petit geste appelait au respect.

Ce règlement existe encore, mais comme la nouvelle mode des garçons est d’avoir un chignon mou – comme celui qu’avait la grand-mère dans Passe-Partout, d’ailleurs! – sur le dessus de la tête, la casquette est moins populaire. Mais quand les élèves entraient dans l’école, les surveillants ne faisaient qu’un geste : celui de celui qui retire sa casquette invisible. (J’apprécie ma dernière phrase autant que la dernière fois!) Bref, il y avait un règlement et il était appliqué à l’entrée de l’école : range ça, parce qu’en rangeant ça, tu es respectueux. Si le règlement était applicable en 1999, quand j’étais en secondaire 4, il est sûrement applicable aujourd’hui! (Argument archaïque dira-t-on…)

Fin de la parenthèse. Dans la maladie, il y a plusieurs phases avant d’y arriver à l’acceptation : d’abord le choc (oh… ce téléphone est merveilleux!), ensuite, il y a le déni (ce téléphone est merveilleux, mais je n’y suis pas du tout dépendant. Je peux arrêter de texter quand je veux!), ensuite le désespoir (il n’y a rien à faire, je vais rester accroc… ça doit être à cause des autres ou de la surprotection…), quatrièmement il y a le détachement (au fond, ce n’est pas si grave si j’ai un cellulaire qui date de l’an passé…) et finalement, il y a l’acceptation (je vais laisser mon téléphone cellulaire chez moi. S’il y a une urgence, mes parents peuvent contacter l’école sans problème).

Bref, ça fait déjà 1550 mots et je ne vous ai pas apporté de solutions. Je suis désolé, car ma piste de solution s’arrête là. Par contre, je suis optimiste, puisque dans la maladie, suit toujours une phase d’acceptation. Je l’attends avec espérance.


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